La moto au service du journaliste... et vice-versa !
La 350cc Sport, commercialisée dès 1923, fait partie des plus grands fleurons de Gillet. Et pour cause, ses exploits, portés par le journaliste français Robert Sexé, impressionnent en ce début du 20e siècle. Né en 1890 à La Roche-sur-Yon, Sexé symbolise à lui seul l'image de l'aventurier moderne. Globe-trotter, photographe et journaliste, ce personnage fascine et ses nombreuses aventures à moto sont relayées par la presse du monde entier durant toute la première moitié du 20e siècle.
En conduisant cette sportive, il réalise d'abord deux périples avec ses compagnons de route Krebs et Dumoulin. Pour leur premier voyage en 1924, ils relient Paris à la capitale turque, Ankara, après plus de 3.500 km parcourus en 19 jours. Lors d'une expédition, la plus grande difficulté n'est pas de trouver de l'essence, mais de la bonne huile. Ce n'est pourtant pas le seul obstacle rencontré. Au-delà des passages compliqués à chaque frontière, les routes entre les grandes villes sont de véritables épreuves tant trous et bourbiers sont nombreux. Cela ne démotive toutefois pas le trio qui retente l'expérience l'année suivante en reliant cette fois Paris à Moscou en 11 jours à peine.
Le défi de sa vie : le tour du monde en… 180 jours
Mais en ce 13 juin 1926, Sexé relève un énorme challenge : réaliser un tour du monde à moto. Pour ce troisième et plus grand défi de sa carrière, il est accompagné d'un nouvel acolyte, Henri Andrieu. Leurs deux Gillet Sport, possédant déjà un réservoir supplémentaire et une réserve d'huile sous la selle, sont à présent munies d'un filtre à air et d'un frein tambour. Ces améliorations ne sont pas inutiles au vu de ce qui les attend. Au total, ils traversent plus de 50 villes au départ de Paris en passant par Liège, Berlin, Moscou, Vladivostok, Tokyo, Los Angeles, New-York, Londres, Rotterdam ou encore Bruxelles, avant de revenir à Paris où les deux aventuriers sont accueillis par la foule après 22.000 km parcourus en… 6 mois seulement ! Suite à cet incroyable exploit, la Gillet Sport, réputée comme increvable, entre dans la légende et est rebaptisée « Tour du monde ». Robert Sexé continue d'ailleurs à l'utiliser jusqu'aux années 1960 en ayant enregistré plus de 300.000 km au compteur.
Sexé et Tintin, même héros ?
Clin d'œil amusant : Janpol Schulz, ami du journaliste français décédé en 1986, avance un lien de parenté entre ce dernier et le héros-reporter d'Hergé, Tintin. Pour soutenir sa théorie, il s'appuie sur différents arguments, comme la ressemblance physique entre les deux globe-trotters, les aventures de Sexé abondamment relayées dans la presse et donc connues par l'auteur belge de la célèbre bande dessinée, ou encore sur le fait que Sexé s'est lié d'amitié avec un mécanicien et grand champion belge de moto du nom de René… Milhoux ! Si l'idée est séduisante, aucune preuve tangible ne peut cependant venir confirmer cette théorie actuellement, les deux hommes ne s'étant jamais rencontrés. Une seule certitude : à l'image des aventures de Tintin, celles de Robert Sexé ont fait – et font toujours – rêver de nombreuses générations.
William Ramacciotti, Chargé de projets, Département Médiation culturelle
Illustration :
1. et 2. Gillet Sport « Tour du monde », monocylindre 350cc, 1928, coll. Musée de la Vie wallonne
3. Robert Sexé arrivé Place de Moscou en Russie, 1925, coll. Yves Campion.
Bibliographie :
CAMPION Yves, Les motos Gillet Herstal 1919-1959, GraphiGriffe Éditions, Stavelot, 2010.
DUCHATEAU Egon, HUYLEBROECK Geert, JONCKHEERE Nick, LEMBRECHTS Peter et VAN EYCKEN Rik, A-Z des motos belges, Editions Freson, Kumtich, 2009.
KUPELIAN Jacques et SIRTAINE Jacques, Motos belges, Overijse, 1983.
Livre d'or de l'automobile et de la motocyclette, Royal Motor Union, Liège, 1951.