Réunion autour d'une passion
La moto se vit indéniablement en communauté: les bikers appartiennent souvent à un club régi par un état d'esprit et des codes spécifiques. On en dénombre des dizaines rien qu'en Wallonie et des milliers dans le monde.
Ces communautés se rassemblent tantôt autour d'une marque iconique, à l'image des chapters Harley, tantôt autour d'un style de motos, d'une manière de conduire, d'un état d'esprit: à l'image du Vétéran Moto Club Belge qui accueille les propriétaires d'ancêtres ou du Cafe Racer de Liège qui regroupent des dandys en petites cylindrées customisées, pendant que le Comanches Custom Club organise des balades pour les amoureux de choppers de tout poil. À chacun son style vestimentaire, ses icônes et ses références !
Ces clubs partagent tous des valeurs communes : respect, entraide, liberté... C'est pourquoi on parle véritablement de familles de bikers.
Harley-Davidson, des origines au mythe
En 1903 dans un garage du Milwaukee, William Harley et Arthur Davidson imaginent la Silent Grey Fellow, un monocylindre sans boîte de vitesses. Dans la foulée, ils fondent officiellement la société Harley-Davidson Motor Company et produisent trois engins, aidés par les deux frères d'Arthur.
En 1907 la taille de l'entreprise double et fabriquer des motos plus puissantes pour la course, pouvant atteindre les 75km/h, est le prochain défi pour se forger une vraie réputation. L'année suivante, Walter Davidson alors âgé de 32 ans remporte le New York's Catskill Mountain et le Economic Run. De là, les commandes s'envolent et l'entreprise décroche un contrat de livraison de 450 unités pour la police de Détroit. De retour de l'Université, William Harley crée le bicylindre V-Twins, commercialisé à partir de 1909 et pouvant atteindre les 95 km/h. C'est alors le bolide le plus rapide du marché mais en raison d'un problème de courroie, ce modèle ne devient stable qu'en 1911. Trois ans plus tard, l'usine domine le marché américain.
Lors de la Grande Guerre, c'est Harley qui fournit 20.000 machines à l'armée américaine. En 1920, c'est déjà le plus grand fabricant au monde avec une production annuelle de plus de 28.000 unités vendues dans 67 pays. Ce succès lui permet d'être l'une des rares firmes américaines de motocycles à survivre au Krach boursier de 1929.
De l'armée à Woodstock: du conformisme à la liberté
L'entreprise développe des modèles spécifiques pour la poste, les forces de l'ordre et l'armée américaine. Pour cette dernière, Harley réalise des motos aux caractéristiques techniques propres aux opérations militaires, appelées WLA mais lendemain de la Seconde Guerre mondiale, ces mêmes motos sont démilitarisées et inondent le marché civil. Solides, peu coûteuses et modifiables à souhait, elles séduisent une jeunesse en rupture avec l'ordre établi et certains vétérans revenus désabusés du champ de bataille. Ces derniers fondent d'ailleurs, en 1948, le célèbre et controversé club des Hell's Angels, dont les membres chevauchent exclusivement des Harleys. Cette période est donc marquée par le refus progressif de l'Establishment par une contre-culture populaire symbolisée par Harley-Davidson, le festival Woodstock et le rock'n roll.
Ces nouveaux bikers rebelles et avides de sensations fortes commencent à “chopper” leur bolide souvent très lourd (ce qui est le cas des Harley), ce qui signifie qu'ils vont retirer toutes les parties inutiles à son fonctionnement dans le but de l'alléger à moindre frais et ainsi gagner en rapidité. Cette pratique donne naissance au Bobber, ainsi qu'au célèbre chopper dont la fourche est considérablement allongée.
Harley incarne encore maintenant l'esprit de liberté, d'anticonformisme et d'indépendance largement entretenu par la firme, les médias et le 7e art. Elle incarne un sentiment d'appartenance à un groupe, à une façon de vivre tout en préservant le caractère unique de son propriétaire tant les modèles sont indéfiniment personnalisables.
Des petites Pin-Up sont peintes sur les réservoirs des véhicules militaires. Cette représentation féminine symbolise la « petite chérie de l'Amérique » et fait partie du Nose art (peintures de guerre sur le nez des avions). Tolérée par l'état-Major, cette pratique contribue au moral des troupes pendant la Seconde Guerre mondiale.
Sandra Damus, Chargée de projets, Département Médiation culturelle
Illustration:
1. Harley-Davidson 42 WLA démilitarisée, bicylindre, 1942, coll. Musée de la Vie wallonne
2. Harley chopper radical, coll. privée
3. Harley-Davidson, Liège, 1925, coll. Musée de la Vie wallonne
4. Pin-Up peinte sur le réservoir d'une Harley-Davidson 42 WLA démilitarisée, bicylindre, 1942
Bibliographie:
LENSVELD Jim, Harley-Davidson, machines de série et de rêve, Rebo Éditions, France, 2010.
DUJARDIN Gabriel et MANDEL Jean-Jacques, Les derniers seigneurs du Bitume, S.I., génération Harley, Paris,1992.
McDIARMID Mac, La légende Harley-Davidson, l'histoire de la firme, les modèles, les customs et les hommes, Maxi-Livres Éditions, Paris, 2003.