Les ménageries et spectacles d’animaux
L'ère coloniale du XIXe siècle a considérablement marqué nos modes de vie ! Les récits de voyages des colons et les « échantillons de vie sauvage » qu'ils ramènent, déclenchent la vogue des ménageries d'animaux exotiques et des cirques. Grands mammifères, oiseaux exotiques, primates, reptiles et félins importés des colonies, sont au centre de ce nouveau type d'attraction faisant fureur à la fois sur la foire et dans les ménageries de cirques.
Pour attiser la curiosité des foules, tout est bon ! Des séances de domptage sont programmées pour « prouver » la bravoure des « dompteurs et dompteuses » auprès des badauds qui ont payé leur billet d'entrée ! On y côtoie des fauves féroces et bien d'autres espèces qui provoquent l'émoi, la stupéfaction et parfois aussi de graves accidents. Citons également « le célèbre et traditionnel Théâtre des singes de Delafioure, qui lui aussi, a dû s'adapter au goût du jour, en introduisant dans son spectacle des numéros de music-hall »[1].
« Les phénomènes » ou « Les monstres »
« Un goût morbide et malsain […] poussait aussi les gens en casquette ou gibus, en châle ou crinoline, à se délecter au spectacle des ‘monstres' et autres déviations de la nature : femmes-colosses et femmes à barbe, nains ou géants, ‘siamois', palmipèdes, hommes-troncs, hommes-éléphants… »[2].
Parmi les « monstres » les plus connus et exhibés sur la Foire de Liège, on peut citer Teresina ; une femme-colosse de 267 kilos, accompagnée de sa garde-robe taillée sur mesure. Citons également « la femme sans tête et de Castagna », « le squelette vivant » de vingt-sept kilos pour un mètre quarante et les « frères Tocci, nés siamois » à la fin du XIXe siècle en Italie ! Pour la plupart de ces personnes nées avec une malformation ou un handicap, la vie de forain était leur seul salut…
En 1932, le réalisateur Tod Browning présente son film Freaks (« La Monstrueuse Parade »), une œuvre encore controversée, narrant le drame vécu par une troupe de « phénomènes de foires » travaillant dans un cirque. Le nain Jacques Courbé, devenu riche grâce à un héritage, obtient la main de Jeanne Marie, la belle et calculatrice écuyère. Convaincue de pouvoir profiter de cette fortune avec son amant, elle se moque ouvertement de son nouvel époux lors de leurs noces. Une moquerie qui lui coûtera cher…
« Les phénomènes sont engagés et filmés pour l'effectivité de leur corps et ce qui s'en dégage ; le scénario fut même retravaillé afin de l'adapter à eux. Freaks possède donc une certaine dimension documentaire, notamment par sa faculté à rapporter les gestes qu'effectuent les phénomènes. Mais si, pour la plupart, ils n'ont aucune expérience du cinéma, ils ont l'habitude de se montrer en public, de présenter leur corps, d'exécuter un numéro et, tels n'importe quels autres acteurs, de gagner leur vie ainsi – la plupart d'entre eux sont d'ailleurs de grandes vedettes dans le milieu forain.[3] » (Photos du film sur https://monovisions.com/tod-brownings-freaks-1932/)
« Les Musées d'anatomie et d'ethnologie »
Dans la même veine que l'exhibition des « phénomènes », mais avec un prétexte didactique, des chapiteaux étaient présentés comme des musées d'anatomie et d'ethnologie. À l'intérieur, on y déambulait pour y découvrir un véritable musée des horreurs : « spécimen naturalisés d'êtres difformes, de squelettes, de parties du corps gangrénées par les maladies, de préférence vénériennes (…), soit des moulages en cire (…) relatifs aux organes humains, à l'obstétrique ou aux habitants de régions lointaines »[4]. Le Musée anatomique le plus célèbre de Liège reste sans conteste celui de Pierre Spitzner dont les derniers balbutiements datent de l'aube des années 1960.
Mais la Foire d'Octobre était aussi un lieu de rencontres improbables avec des bonimenteurs, laissant place à une grande improvisation souvent liée à la supercherie : tête décapitée parlante, « sauvages » dans des cages (figurants recrutés sur place et enduits de cirage) capables de cracher le feu et de manger du verre pilé ! Et que dire des arnaques qui prêtaient à rire, présentant des animaux anthropomorphisés (« Paris et ses poules » était en fait un coq…) ou des cas humains de thérianthropie (« Madame Poisson » qui n'avait du poisson que le nom de famille !).
Et aujourd'hui ?
Bonimenteurs, phénomènes, artistes divers et comédiens ont déserté les champs de foire pour se renouveler ou pour rejoindre d'autres sphères plus appropriées.
La Foire d'Octobre à Liège célèbrera bientôt ses 150 ans d'existence en 2022 ! Pour les Liégeois, c'est une institution ! La pandémie de la Covid19 a forcé les autorités à annuler son organisation en 2020. Cette année, ce lieu de rencontres, de rendez-vous et de plaisirs divers peut à nouveau faire le bonheur des petits mais aussi des grands.
Retrouvez une sélection d'archives en lien avec la foire sur notre catalogue en ligne : http://collections.viewallonne.be?queryid=8ba852d6-1d74-4f18-b139-72a87ffec020
J.-M. Stockem, Collaborateur aux Archives générales du Musée de la Vie wallonne.
Légendes
[1] Ibidem, p. 115.
[2] Claude Gaier, op. cit., p. 10.
[3] Extrait du dossier pédagogique : https://www.cineligue-hdf.org/cineligue/15/2009_2010/freaks/freakslivretenseignant.pdf
[4] Claude Gaier, op. cit. p. 10