Musée de la Vie wallonne

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Focus

Charles Plisnier

Caricature de Charles Plisnier, couverture du Pourquoi pas ?, 17 décembre 1937

Il y a 70, ans, Charles Plisnier disparaissait

Enfance et adolescence

Né à Ghlin en 1896, Charles Plisnier enfant du Borinage, formé à Mons, va marquer les lettres belges par une grande quantité d'écrits, en prose comme en vers qui seront pour beaucoup des succès de librairie, en Belgique comme à l'étranger. Quant à ses positions politiques elles épousent certaines des évolutions idéologiques de la première moitié du 20e siècle. Son père Bernard, voyageur de commerce est un ami d'Alfred Dufuisseaux, auteur du Catéchisme du peuple, et député socialiste de Mons. Il lègue à son fils ses idées progressistes. Sa mère, Marie Bastien l'entoure d'un amour profond qui retentira dans l'œuvre de l'écrivain. Après ses premières années dans un Borinage qui se confond parfois avec l'industrie minière, Charles Plisnier suit ses parents à Mons où son père prend la direction d'une maison de mercerie. Inscrit à l'Athénée de Mons à l'âge de dix ans, il se prend de passion pour les auteurs antiques, arpente les rues de la ville et rédige bientôt ses premiers textes. Sa première plaquette est éditée en 1913, elle s'intitule Voies entendues et augure une carrière littéraire de premier plan.

L'engagement politique de Plisnier commence à se concrétiser avant la Grande guerre, il est le cofondateur, avec des amis de Charleroi, d'une Jeune Garde de Wallonie qui naît lors du printemps précédant la déflagration mondiale. Réuni à l'Hôtel de Ville de Mons, cette jeune garde réclame le rattachement de toute la Belgique de langue française à la France.

L'adolescent devient un fervent usager de la bibliothèque communale et, alors qu'il doute de l'existence de Dieu, il lui arrive de se laisser enfermer dans la Collégiale Sainte-Waudru pour s'entourer d'une ambiance mystique. Quand la guerre éclate, Plisnier n'a pas encore terminé ses humanités. Après une vaine tentative de fuite aux Pays-Bas, il s'installe à Bruxelles. Lors de la libération de la capitale, il prend fait et cause pour les soldats allemands qui se sont mutinés contre leurs officiers.

L'embrasement politique

Plisnier s'inscrit à l'Université Libre de Bruxelles, en 1919, pour y suivre des cours de droit. Au plan politique, il collabore à des revues d'extrême-gauche et rejoint le Parti communiste belge (PCB) lors de sa création, en 1921.

Un an plus tard, le jeune juriste s'inscrit au Barreau de la Cour d'Appel de Bruxelles et commence à plaider. Devenu père, il publie Elégies sans les anges et s'investit totalement dans le militantisme politique. En 1925, il dirige le Secours rouge international et participe à une série de congrès. Il transporte des faux passeports à travers les Balkans et en tire la matière pour une série d'articles publiés dans le Drapeau Rouge.

La consécration

Exclu du PCB, en 1928, pour trotskysme, il demeure marxiste. Au plan littéraire, il écrit toujours des poèmes mais diversifie son art en proposant essais et nouvelles. Il se rapproche d'une certaine spiritualité chrétienne transmise par sa mère. Les années 1930 constituent une période particulièrement féconde pour l'écrivain : ii continue à éditer des recueils de poèmes et s'investit dans la création de « cœurs parlés », spectacles scéniques très en vogues durant cette décennie. En 1936, Plisnier livre le roman Mariages qui contient les grandes thématiques qu'il développera dans son œuvre ultérieure : l'amour, l'importance de la mère, le pouvoir de nuisance de l'argent, la recherche de Dieu. En 1937, année du décès de son père, Charles Plisnier quitte Bruxelles pour le Brabant wallon puis s'installe à Paris. Dès lors, il cesse de plaider et termine une série de textes courts commencée en 1928, au moment de son exclusion du PCB. Ces écrits racontent les trajectoires de personnages romantiques, mus par de nobles idéaux révolutionnaires mais finissent par se fracasser sur la réalité rude et froide du stalinisme. Sous-titré Les Mémoires d'un agitateur, Faux-Passeports, recueil de nouvelles édité par la maison Corrêa, lui apporte la consécration. Il est le premier auteur « non français » et le premier Belge à obtenir le prestigieux Prix Goncourt, le 2 décembre 1937.

Charles Plisnier, auteur prolixe est un intellectuel engagé. Il voyage dans le Proche-Orient, en tire de la matière pour des conférences et pour une nouvelle intitulée Nuits d'Egypte. Lorsque la guerre éclate, il part en Bretagne avant de se fixer avec sa famille dans un vieux manoir du Berry. Il y poursuit son œuvre littéraire en produisant notamment des pièces de théâtre. La plupart des textes écrits sous l'occupation sont publiés en Suisse.

Dernières années.

Après la Libération, Charles Plisnier se fait le défenseur du rassemblement des peuples européens et plaide pour l'intégration de sa Wallonie natale à la France. Il développe ses opinions lors des Congrès wallons de Liège (1945), Charleroi (1946) et Namur (1947) et devant les « pèlerins » du Rassemblement annuel de Waterloo, en 1946. Lors du premier Congrès national, celui qui se tient à Liège, en octobre 1945, Plisnier prononce un discours qui fera date. Il dit notamment : « La destinée, chers camarades wallons, m'a enlevé à vous et je suis allé vivre en France, ce que-je suppose- vous ne me reprocherez pas ! Mais, croyez- moi, vous parlant ainsi sincèrement de mon propre sentiment, du sentiment de nombreux, de très nombreux Wallons de France, vivant en France, je vous assure que jamais je n'ai cessé de penser et de sentir wallon ! » (Applaudissements).

Il ajoute : « On m'a demandé souvent : Pourquoi ne sollicitez-vous pas la naturalisation française ? J'ai toujours répondu : je ne suis pas un fuyard. Je veux devenir français, un jour, peut-être…mais avec tout mon peuple ! » (Vifs applaudissements).

Même si sa francophilie est un cri du cœur, il écrit une Lettre à ses concitoyens dans laquelle il tempère ses élans. Il écrit : « La question du réunionisme, dis-je en substance, ne saurait se poser. Raisons de politique extérieure, raisons de politique intérieure ; tout s'y oppose. Soyons réalistes et rallions-nous unanimement à l'idée d'une fédération flamand et wallonne dans le cadre de l'Etat belge ».

Charles Plisnier publie encore la trilogie de Mères où il dévoile sa morale chrétienne retrouvée ainsi qu'un recueil de nouvelles sous le titre de Folies douces.

L'après-guerre de Charles Plisnier est une période de grande activité, littéraire bien sûr mais aussi politique. Il écrit pour de nombreux journaux et revues, donne des conférences, voyage beaucoup. Mais sa santé se dégrade. Il est sujet à des crises de cholécystique, soignée par des doses massives de cocaïne. Il subit l'ablation de la vésicule biliaire le 14 juillet 1952. Son cœur lâche. Il meurt le 17 juillet à sept heures du soir.

En 1954, la Fondation Charles Plisnier voit le jour. Elle se donne pour objectif de mieux comprendre la Wallonie par l'histoire, la démographie, la langue, le tourisme ou le folklore.

Bibliographie sélective :

BODART, Roger, « La recherche de soi-même. Le poète Charles Plisnier », dans Conférences et théâtres, n°6, 1938.

Le Congrès de Liège des 20 et 21 octobre 1945. Débats et résolutions, Liège, Editions du Congrès national wallon, 1945, p.106.

DELFORGE, Paul, Cent wallons du siècle, Namur, Institut Jules Destrée, 1995, p.92.

Encyclopédie du Mouvement wallon, t.3, Charleroi, 2001, p. 1284-1285.

« Hommage à Charles Plisnier », dans La Wallonie libre, n° 8 et 9, 1953, p.4.

Nouvelle Revue wallonne, t. 5, p.8-17.

La Vie wallonne, t.16, n°259, 1952, p.218-220.

Wallonie. Le Pays et les Hommes, t.3, p. 56-60.

Légende des illustrations :

  1. Caricature de Charles Plisnier, couverture du Pourquoi pas ?, 17 décembre 1937. N°2103D00000079-1
  2. Portrait de Charles Plisnier édité par l'Avant-garde wallonne, N°2103D00001597
  3. Caricature de Charles Plisnier exécutée par Ernest Forgeur lors du Congrès national wallon, Liège, 1945. N°2103D0000238
  4. Le monument dédié à Charles Plisnier inauguré à Woluwé-Saint-Pierre, en 1957. N°2103D000000079-2
  5. Brochure publiée par la Fondation Charles Plisnier, 1960 N°2103001001620
  6. Charles Plisnier, Nationalisme wallon. Brochure contenant un texte inédit de 1941 N°2103001000305

Fabrice Meurant-Pailhe, responsable du Fonds d'histoire du Mouvement wallon

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