Musée de la Vie wallonne

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Focus

Une abbaye. Un hôpital militaire. Une collection.

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Un édifice à l'histoire multiple

Située sur les hauteurs de la rive droite, l'abbaye liégeoise de Saint-Laurent - dont la construction remonte à la fin du 10e siècle - est consacrée en 1034. L'établissement occupé par des moines bénédictins connaît un bel essor avec de belles contributions à ce que l'on nommait alors les arts : elle compte dans ses rangs d'excellents mathématiciens, hagiographes, compositeurs ainsi que des poètes.

À partir de 1212, elle subit des dégradations lors des combats entre les troupes du duc de Brabant et les milices liégeoises. Elle connaît une période de stagnation pendant le siècle suivant, avant de connaître un âge d'or symbolisé par le moine Jean de Stavelot (1388-1449), copiste de renom et cheville ouvrière de l'enrichissement de la bibliothèque abbatiale.

À partir de la seconde moitié du 15e siècle, l'abbaye connaît les vicissitudes qui atteignent la Cité de Liège : attaques bourguignonnes (Charles le Téméraire résidera cinq jours à Saint-Laurent), troubles des guerres de religion, lutte entre Grignoux et Chiroux. Pour mater les émeutiers de la Révolution liégeoise de 1789, l'état-major prussien s'installe à Saint-Laurent. Ensuite, après la victoire de Jemappes, l'armée de la première république française pénètre dans Liège et occupe l'édifice religieux pour le transformer en hôpital militaire. Après un bref rétablissement du régime ancien, le territoire de la principauté épiscopale est annexé par la France en 1795 et Liège devient le chef-lieu du nouveau département de l'Ourthe. L'abbaye perd définitivement son caractère religieux. La plupart des moines se sont enfuis vers l'Allemagne ; les biens de l'institution sont dérobés et éparpillés ; l'église est abattue en 1809.

À la fin de la période napoléonienne, l'hôpital militaire de Saint-Laurent accueille plus de 700 patients. Lorsque le royaume uni des Pays-Bas est créé après la bataille de Waterloo (1815), le site devient une caserne pour un millier de soldats hollandais, dans l'attente de l'agrandissement de la citadelle située sur les hauteurs de Sainte-Walburge.

Dès 1830, la Belgique attribue à nouveau à Saint-Laurent sa fonction d'hôpital militaire. De 1839 aux débuts des années 1970, des religieuses augustines de l'Hôtel-Dieu de Paris occupent un couvent, créé pour elles, dans le périmètre de l'ancienne abbaye. Elles se mettent au service des malades, en appui du personnel militaire, par exemple lors de l'épidémie de choléra de 1848.

Jusqu'à la fin du 20e siècle, l'hôpital de Saint-Laurent sera géré par le Corps médical de l'Armée belge (aujourd'hui Composante médicale) et accueillera des miliciens et militaires de carrière, malades ou blessés. En mai 1940, le personnel militaire devant se replier, c'est la Croix-Rouge qui prend le relai. Durant toute la période de l'Occupation, son personnel soignant accueillera des prisonniers de guerre et des victimes de bombardements. En septembre 1944, les libérateurs américains y installent leur 15ème hôpital général. Après la guerre, l'hôpital militaire sera baptisé « Quartier Lieutenant-médecin Joncker » en l'honneur d'un praticien liégeois héros de la Grande Guerre.

Plus récemment, des bâtiments de l'abbaye accueillirent les services du 3e Centre Régional de l'Armée. Ils abritent toujours le Commandement militaire de la Province de Liège assuré, jusqu'en 2024, par le Colonel Guy BECKERS.

La Province de Liège achète le site de Saint-Laurent en décembre 2021 et y installe, un an plus tard, les services dépendant du Département de la Santé et des Affaires sociales. Quant au pôle médical, il intègrera prochainement cette vaste infrastructure située non loin du centre-ville.

Pendant plusieurs décennies, Madame Simone DEGANDT, qui finit sa carrière comme Infirmière en chef de l'hôpital militaire, a rassemblé de nombreuses pièces qui témoignent du passé bi-séculaire de l'hôpital militaire de Saint-Laurent : des centaines d'archives, uniformes, photographies, instruments médicaux étaient exposés, jusqu'il y a peu, dans la chapelle de l'abbaye. Le Musée de la Vie wallonne a fait entrer en collection trois objets de ce musée, géré jadis par l'association des Anciens de l'Hôpital militaire Saint-Laurent.

Dans le parcours du Musée est exposé l'uniforme d'infirmière en chef porté par Madame DEGANDT à la fin de sa carrière (années 1980). Il est confectionné dans le tissu vert bouteille du Corps médical de l'Armée belge. On peut noter sur l'uniforme les pattes d'épaule ainsi que le grade symbolisé par les broderies situées sur les extrémités de manches de la veste du tailleur. Remarquables également, les insignes de col indiquant l'appartenance au service médical et la broche de couleur rouge constituée du blason de l'hôpital militaire de Saint-Laurent. En épinglette sur la petite cravate ornant le col de chemise, le caducée, symbole de la médecine.

Le Musée de la Vie wallonne a également acquis le blason de l'hôpital militaire Saint-Laurent peint sur une grande pièce de bois (on le retrouve sur l'uniforme de Madame DEGANDT sous la forme d'un insigne épinglé). Surmonté de la couronne royale, il est peint en rouge et or (couleurs liégeoises). La devise corde et animus signifie « cœur et âme ». Elle exprime les préoccupations du service de santé de l'armée belge, restaurer les corps et les âmes. La blason, divisé par une droite diagonale est illustré, dans sa partie gauche du Perron liégeois et d'une fleur de lys ; en son centre du caducée et, en bas à droite, du gril. Cet instrument de torture fut utilisé sur saint Laurent, à Rome, en 258 et fit de lui un martyr.

Enfin, parmi tous les objets nécessaires à la pratique de la médecine, un coffret en bois contenant des instruments chirurgicaux a été sélectionné. Fabriqués par la firme anglaise « Bailey and son », nous pouvons les dater de la fin du 19e siècle ou du début du 20e siècle. Le coffret contient notamment une scie, un marteau, des ciseaux, des pinces et des bistouris.

Retrouvez ces objets sur le catalogue en ligne du Musée de la Vie wallonne :

http://collections.viewallonne.be?queryid=0ac25586-b109-4bfc-b588-a6524e548d83

Fabrice Meurant-Pailhe. Responsable du Fonds d'Histoire du Mouvement wallon.

Bibliographie sélective

https://www.mil.be/fr/a-propos-de-la-defense/composante-medicale/ (Consulté le 5 mai 2023).

Exposition du Millénaire de Saint-Laurent de Liège. Eglise, abbaye, hôpital militaire. Catalogue. Cloîtres de la cathédrale 23 septembre-23 octobre 1968, Liège, 1968.

Rita LEJEUNE (dir.), Saint-Laurent de Liège. Eglise, abbaye et hôpital militaire. Mille ans d'histoire, Liège, Soledi/université de Liège, 1968.

« La Province regroupe les services de la Santé et du Social à Saint-Laurent », dans Notre Province, n°97, mai 2023.

Légendes des illustrations

1. Vue du porche de l'abbaye de Saint-Laurent vers 1880.

2. Vue réalisée par J. Kirsch de l'hôpital militaire de Saint-Laurent vers 1900.

3. Retraite des Allemands dans la rue Saint-Laurent en 1918.

4. Uniforme d'infirmière du Corps médical de l'armée belge, années 1980.

4. Coiffe d'infirmière militaire de l'armée belge, années 1980.

5. Insigne de col d'un uniforme d'infirmière de l'armée belge, années 1980.

6. Chemise d'uniforme d'une infirmière de l'armée belge.

7. Caducée épinglé sur la cravate de l'uniforme d'une infirmière de l'armée belge.

8. Blason de l'hôpital militaire de Saint Laurent. Peinture sur bois.

9. Coffret contenant des instruments chirurgicaux de marque « Bailey ans son ». Fin 19e-début 20e siècle.

10. Instruments chirurgicaux de marque « Bailey and son ». Fin 19e-début 20e siècle.

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