Une menace de plus en plus pesante...
Représentant plus de 70% de la superficie de notre planète, les océans jouent un rôle crucial dans notre écosystème. Abritant une incroyable biodiversité, ils sont également essentiels pour la régulation de notre climat et la vie sur terre. Pourtant, l'activité humaine de ces dernières décennies a de graves conséquences sur sa préservation : polluants, engrais, pesticides, rejets pétrochimique ou encore innombrables déchets menacent plus que jamais son fragile équilibre.
Parmi ces différents fléaux, le plastique représente une problématique majeure. Chaque année, entre 10 et 15 millions de tonnes de ce matériau issu de l'industrie pétrochimique se retrouvent dans les océans[1]. Les courants les entraînent et les rassemblent ensuite vers des gyres, gigantesques tourbillons, formant ce qu'on appelle communément des « continents de plastique ». Aujourd'hui, on en dénombre cinq principaux, de l'Atlantique au Pacifique en passant par l'océan Indien. Le plus grand est celui du Pacifique Nord, entre Hawaï et la Californie. Selon les dernières études, il s'étale sur plus de 1,6 million de km2, soit sur une superficie trois fois plus grande que la France, et se compose de 1,8 billion de morceaux de plastique dispersés sur plusieurs mètres de profondeur[2]. Sous l'effet des rayons UV et des frottements en milieu marin, une partie d'entre eux se dégradent progressivement en microplastiques de moins de 5mm se disséminant sur de larges étendues et profondeurs. C'est pourquoi de nombreux scientifiques ne sont pas favorables à l'appellation de « continents de plastique », pouvant donner l'image d'un amas compact facilement récupérable à la surface des océans alors qu'il n'en est rien. Aujourd'hui, ces microplastiques sont en effet partout : tapissant le fond des abysses, piégés dans les glaces de l'Antarctique et même dans nos célèbres moules-frites.
Il en est de même en Méditerranée où 570.000 tonnes de plastiques échouent chaque année, faisant d'elle la mer la plus polluée au monde. Comme pour les autres mers et océans du globe, plus de 80% de ces déchets proviennent des terres, acheminés essentiellement par les vents et les cours d'eau.
COVID-19, à côté de la crise sanitaire, une crise environnementale
La crise sanitaire liée au COVID-19 n'a fait qu'empirer la situation. Les protections médicales en plastique ont en effet vu leur production exploser depuis 2020. Composés de microfibres de polypropylènes difficilement recyclables, de nombreux masques chirurgicaux sont pourtant jetés dans la nature en mettant jusqu'à 450 ans avant de se décomposer. Plus d'1,56 milliard d'entre eux auraient fini dans nos océans en 2020[3]. Parallèlement, certains industriels ont profité de l'étiquette « hygiénique » associée au plastique pour le réintroduire en masse dans notre quotidien, à l'image de poignées pour caddie amovibles ou de capes de protection en plastique à usage unique proposées dans les salons de coiffure.
Vers la fin des objets à usage unique
Face à ce terrible constat, l'Union européenne a décidé d'agir en s'attaquant d'abord au plastique à « usage unique ». Pailles, assiettes, gobelets, touillettes, ou encore cotons-tiges utilisés une seule fois ou sur une très courte durée avant d'être jetés rentrent dans cette catégorie et représentent plus de 70% des déchets marins retrouvés sur les plages européennes[4]. Outre le fléau sanitaire et environnemental qu'ils représentent, leur production par l'industrie pétrochimique et leur transport sur de très longues distances occasionnent une pollution majeure pour un temps d'utilisation très limité. C'est pourquoi l'Europe en a interdit la vente depuis 2021[5].
Cependant, de nombreux combats restent à mener pour limiter la pollution de nos océans. Parallèlement à une législation plus forte concernant le tri et le recyclage des déchets - notamment industriels -, le développement d'une économie davantage circulaire ou encore la lutte contre les déchets sauvages et les dépôts clandestins, une réflexion plus globale sur notre rapport à la consommation et la limitation des emballages superflus est également nécessaire. En Belgique, la quantité d'emballages mis sur le marché est ainsi estimée à 1,9 million de tonnes pour 2019[6]. À côté des contenants en papier-carton ou en verre, les emballages en plastique ont pris une place importante dans les rayons des supermarchés. Leur efficacité pour la bonne conservation et le transport de marchandises et leur matière légère, malléable à souhait et peu onéreuse leur ont permis de se multiplier dans les commerces. Ces qualités peuvent cependant amener parfois à des dérives : certains produits sont vendus avec de multiples couches d'emballages non nécessaires. Outre l'énorme pollution engendrée, leur multiplication a un double coût pour le consommateur. Sur le prix d'achat d'abord : le packaging peut représenter jusqu'à 20% du prix total du produit[7]. Sur les taxes poubelles ensuite, dont les emballages représentent la majorité de nos déchets. Face à ce constat, de plus en plus de citoyens appellent à une législation plus forte en la matière. Portées par des associations, des opérations comme #balancetonproduit se développent sur les réseaux sociaux tandis que Fost Plus propose de les signaler sur son site internet.
Il est donc urgent d'agir : si rien ne bouge, il y aura plus de plastique que de poissons dans nos océans d'ici 2050. De plus en plus de voix s'élèvent contre la pollution plastique de nos océans. Des projets comme la barrière flottante Ocean CleanUp, récupérant les plus gros morceaux à la surface, se multiplient mais restent encore marginaux face à l'étendue de ce fléau.
Témoin de premier plan de ces dérives, le skipper liégeois Jonas Gerckens, ambassadeur de la Province de Liège et de la campagne « Ici commence la mer – Ne jetez rien ! », lancée par la SPGE- Contrats de Rivières en Wallonie, est sans appel : tous à notre échelle, citoyens – politiques - industriels, nous avons un rôle à jouer pour diminuer notre impact sur la pollution marine afin de préserver notre environnement… et notre avenir !
[1] A global inventory of small floating plastic debris, Rapport de Recherche Environnementale IOPS Science, 2015.
[2] Stop the flood of Plastic, Rapport du WWF, 2019
[3] Masks On The Beach, The Impact of COVID-19 on Marine Plastic Pollution, Rapport du groupe de conservation marine OceansAsia, décembre 2020.
[4] https://www.europarl.europa.eu/news/fr/headlines/society/20181005STO15110/pollution-marine-donnees-consequences-et-nouvelles-regles-europeennes
[5] Directive (UE) 2019/904 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 relative à la réduction de l'incidence de certains produits en plastique sur l'environnement.
[6] Les déchets d'emballages, Rapport Statbel, décembre 2021.
[7] Halte au suremballage !, Rapport du CRIOC pour le réseau Eco-consommation.
William Ramacciotti, Chargé de projet, Département Médiation culturelle
Légendes des illustrations:
1. Photographie de la scénographie de l'esposition ORDURES, l'expo qui fait le tri, illustrant des déchets jetés dans la nature et leur temps de décomposition. Le vent finira par emporter ces déchets qui rejoindront tôt ou tard les mers et océans.
2. Photographie de la scénographie de l'exposition ORDURES, l'expo qui fait le tri, illustrant l'espace dans lequel le visiteur accompagne un plongeur en immersion dans une mer saturée de déchets en plastique.
3. Photographie de la scénographie de l'exposition ORDURES, l'expo qui fait le tri, illustrant une alternative au plastique à usage unique. Ici, une brosse à dent en bambou.
4. Logo de la campagne "Ici commence la mer - Ne jetez rien !", initiée par la SPGE et les Contrats Rivières de Wallonie. Ce logo est apposé à proximité des avaloirs publics afin de sensibiliser le citoyen.