Comment traitait-on les grandes épidémies au 20ème siècle ?
Alors que la crise sanitaire du coronavirus nous plonge dans une situation inédite, il est intéressant de se remémorer comment on traitait les grandes épidémies au 20e siècle : la médecine et l'épidémiologie en étaient à leurs balbutiements. Juché sur son promontoire, le sanatorium de Borgoumont accueille le promeneur en quête d'histoire et de trésors. Ce bâtiment imposant de 3500m2, tout en arc de cercle, suscite en nous des sentiments contrastés : à la fois émerveillement et curiosité mais aussi peur et même tristesse.
Les origines du sanatorium de Borgoumont
Au début des années 1900, le sanatorium de Borgoumont est créé. En 1896 l'Institut provincial liégeois de bactériologie est mis sur pied et son directeur, le docteur Ernest Malvoz (1862-1938) mène une campagne antituberculeuse. En 1899, le Conseil provincial approuve la construction du premier sanatorium populaire, ouvert à tous, à Borgoumont. D'autres établissements similaires ouvrent également en Wallonie, notamment à Mont-sur-Meuse, ancienne appellation de Mont-Godinne.
La finalité d'un tel établissement est le traitement de la tuberculose et de certaines maladies pulmonaires infectieuses chroniques. Le sanatorium est aussi un moyen d'isoler et d'éloigner les personnes contaminées du reste de la population. Ils sont souvent réservés à une classe aisée. À cette époque la tuberculose est bel et bien une maladie incurable et mortelle qui touche toutes les couches sociales de la population. Le séjour au sanatorium a pour objectif de soulager les malades et d'adoucir les symptômes de cette terrible « peste blanche ». On parle de 100 millions de morts au cours du 20e siècle. Après la guerre, avec la découverte des premiers traitements antibiotiques, les médecins pourront petit à petit éteindre les foyers infectieux et diminuer drastiquement la mortalité. Cette maladie n'appartient, hélas, pas au passé et selon l'OMS, en 2018, 10 millions de personnes ont contracté la tuberculose et 1,5 million en sont mortes (dont 251 000 porteurs du VIH).
Quel traitement !
Le traitement recommandé de la tuberculose en sanatorium peut nous sembler dérisoire aujourd'hui : du bon air de la campagne, une exposition à la lumière du soleil, du repos et une alimentation saine et abondante. C'est pourquoi le bâtiment est orienté plein sud et sa façade suit la courbe naturelle de l'ensoleillement. L'édifice est construit en pierres du pays avec une structure en béton armé. L'intérieur est agencé selon une architecture hygiéniste : éviter la poussière en inclinant les surfaces, faciliter le nettoyage en soudant les pieds des meubles au sol, favoriser le renouvellement de l'air ambiant avec un système d'aération.
À l'extérieur, des ardoises ornent la toiture. Une grande galerie ouverte permet aux pensionnaires allongés sur des transats, de prendre le soleil pendant 6 à 7 heures par jour. Les bienfaits de la nature spadoise, de son bon air et de son eau étaient censés guérir les habitants des villes exposés à la pollution, à la promiscuité et aux logements insalubres. Les thermes de Spa, situés à quelques kilomètres vantaient, depuis le 16e siècle, les qualités curatives de l'or bleu de l'Ardenne.
Une vie hors du temps
Quelle était la vie des occupants du lieu ? En quoi consistaient leurs journées ? Quelles émotions pouvaient traverser les patients en arrivant sur le site ? Est-ce qu'ils en ressortaient guéris ? Tant de questions qui nous affleurent en visionnant les photographies de l'époque : mais aucun malade n'y apparait… on ne sait malheureusement pas quand les images ont été prises. Néanmoins, grâce à celles-ci, nous pouvons imaginer la vie en communauté que menaient les pensionnaires du sanatorium : repas, douches, repos dans la chambre ou au dehors, visites des proches, consultation du médecin. Le séjour au sanatorium était cependant très éloigné d'un séjour à l'hôtel ! Les patients étaient soumis à un horaire très strict. Le calme absolu devait régner, des surveillants étaient chargés de le faire respecter. Pas question d'entamer la conversation avec son voisin de transat, encore moins de rire, ce qui pouvait provoquer la toux. Bref, toute expression de la vie un peu trop vibrante était proscrite. S'ils ne pouvaient réprimer une quinte, les résidents étaient priés de se munir constamment d'un flacon ou un mouchoir dans lequel recueillir les miasmes. Ils étaient ensuite désinfectés ou brulés dans l'incinérateur du sanatorium.
Les seuls endroits de divertissement autorisés étaient le jardin d'hiver et la salle de spectacle. Pour tromper leur ennui les malades avaient, étonnamment, le droit de fumer… ce qui nous semble incroyable aujourd'hui.
Quel avenir pour ce bâtiment ?
À Borgoumont, le sanatorium reste en activité jusqu'à l'après- guerre. Avec l'arrivée des traitements de la tuberculose, il change vraisemblablement de vocation et devient un centre provincial de revalidation ou de soin. Il sera aussi un milieu d'accueil de Fedasil durant la crise migratoire. Aujourd'hui, le bâtiment est à l'abandon. Il subit les dégâts des squatteurs et de la mode de l' « Urbex », une exploration des bâtiments publics ou privés désaffecté ou abandonnés. Si son avenir reste incertain, une éclaircie pourrait apparaître car un projet pourrait en faire un lieu de villégiature touristique dédié aux loisirs et à la détente, occupations bien éloignés des mornes journées d'autrefois.
J.D., Collaboratrice au département des Archives photos
Légendes photos :
1 à 6 : André Bara, Sanatorium de Borgoumont, vues extérieures et intérieures, La Gleize.
7 : Léon Roland, Ernest Malvoz au laboratoire, Liège, vers 1900.
8 : Carte postale envoyée par un pensionnaire du sanatorium de Borgoumont en 1923.