Le tram est annoncé pour 2023 en Cité Ardente mais il a déjà transporté des milliers de liégeois et liégeoises dans le passé.
« Faire et défaire c'est toujours travailler », « On ne fait pas d'omelette sans casser des œufs » : ces adages populaires, bon nombre de Liégeois doivent souvent y penser lorsqu'ils sont confrontés, au quotidien, aux travaux du nouveau tram. Il est vrai qu'en matière de transport en commun, Liège a connu beaucoup de changements en seulement 150 ans. Le tram fut présent à Liège pendant près d'une centaine d'années et son grand retour nous est annoncé pour 2023. De par son existence historique, le tram est bien présent dans les collections du Musée de la vie wallonne. Il inspire à différents artistes et concepteurs la réalisation de modèles réduits, de jouets, de dessins.
Il était une fois des rails
Vers 1850, Liège est en plein boom. À cette époque, la plupart des Liégeois se déplacent à pied ou en véhicule hippomobile. Les anciens bras de Meuse sont convertis en voirie et en zone constructible. Ce développement économique et la démographie croissante vont nécessiter des moyens de transport de masse pour se déplacer de Liège vers la banlieue et vice-versa. Toutefois, le tram n'est pas un moyen de transport destiné aux classes laborieuses pour rejoindre les usines. Ce sont essentiellement les classes aisées qui peuvent se payer le luxe d'un ticket.
À Liège, l'histoire du tram débute en 1871 avec les tramways hippomobiles ; il s'agit de véhicules tractés par des chevaux. Les premiers modèles de tramway à traction chevaline sont finement décorés. Ils sont conduits par un cocher qui doit guider son attelage sur les rails. L'avantage est certes un nombre moindre de secousses mais les inconvénients sont une certaine lenteur et les crottins de cheval peu hygiéniques qu'il faut ramasser ! Par ailleurs, nourrir les chevaux coûte cher. Ce moyen de transport reste donc relativement onéreux ; c'est pourquoi il n'est pas emprunté par les ouvriers qui continuent à se rendre à pied au travail.
Un peu plus tard, le cocher fait place au « chauffeur », ce mot vient en réalité de l'utilisation (brève en ville) du tramway à vapeur, une sorte de tram tracté par une locomotive ! Le chauffeur assurait l'approvisionnement en charbon de la chaudière et le mot est resté dans le langage. Ce mode de transport est peu adapté au milieu urbain car il est bruyant et polluant. Il fut vite abandonné à Liège mais subsistera dans les campagnes sur les lignes vicinales.
En 1890, la ville de Liège compte un peu moins de 150.000 habitants. Pour déplacer tout ce monde, il faut des transports de masse, rapides et peu coûteux. L'électrification du réseau de tram prend petit à petit la place des charmants tramways hippomobiles. C'est le « Wattman » (venant du mot Watt, l'unité de mesure électrique) qui conduit le tram et actionne la cloche qui prévient les piétons de son passage. En effet, ce tram est très silencieux. Le tramway électrifié connaît un développement fulgurant et de nouvelles lignes apparaissent : une vingtaine en tout qui desservent Herstal, Bressoux, Robermont, les Guillemins, Chênée… L'exposition universelle de 1905 contribue au développement de la boucle urbaine bien connue de tous les liégeois : la ligne 4.
Malgré son développement et l'abaissement des coûts, le tram n'est encore que peu utilisé par les ouvriers car le prix du ticket reste trop élevé. C'est plutôt la classe moyenne qui en profite. Il n'est pas toujours bien adapté aux petites rues pentues de la Cité ardente.
Place aux roues : bye bye les rails !
Un autre moyen de transport en commun va alors faire son apparition et signer l'arrêt de mort du bon vieux tram : le trolleybus. À partir des années 1930, ils sillonnent les rues de Liège. C'est un bus électrique (et oui déjà à l'époque !) mais qui puise son énergie par les fils électriques comme un tram. On enlève donc les rails ce qui permet au bus de se faufiler dans la circulation qui se densifie mais il est quand même limité par son attache aux lignes électriques. Des rues plus difficiles d'accès sont maintenant desservies par le trolleybus plus maniable. La plupart des trolleybus liégeois sont fabriqués par la F.N. Herstal et sont munis de pneus Englebert. Durant plusieurs années, les deux systèmes (avec rails et sans rails) cohabitent tant bien que mal.
Ce qui devait arriver, arriva… La baisse des prix des produits pétroliers comparés à la maintenance d'un réseau électrique, le trafic de plus en plus dense et les voyageurs de plus en plus nombreux poussent Liège à abandonner le réseau de tram électrifié définitivement en 1971. Les arguments de l'époque en faveur de l'autobus ne manquent pas : le bus est peu cher, ne demande que peu d'investissement en voirie. Dès lors, il devient accessible à tous. Peu polluant par rapport au nombre de voitures qu'il remplace, il est aussi hyper-flexible au niveau de son parcours.
Le percepteur du trolleybus laisse sa place au conducteur de bus : un homme « tout-en-un » qui conduit et délivre les titres de transports.
Mais rien ne dure… Si, au début, tout laisse à penser que le bus est la solution idéale, plusieurs soucis vont vite se succéder. La circulation se densifie de plus en plus et les bus se retrouvent aussi coincés dans les embouteillages ! On décide de leur octroyer les anciens sites propres des trams pour pallier à ce problème. Mais en 1973 survient le premier choc pétrolier et le prix du diesel s'envole, ce qui plombe les finances des sociétés de transport et complique les investissements en matériel. La pollution (les fameuses particules fines) émise par les véhicules fonctionnant au diesel est aussi pointée du doigt. Le bruit des moteurs et l'odeur du diesel constituent d'autres nuisances pour les habitants.
Les rails II : le retour
Dès 2008, l'idée du retour du tram à Liège fait surface. La congestion automobile de la ville de Liège et de sa banlieue demande une solution écologique et efficace. En 2011, le Gouvernement wallon valide un premier tracé qui rejoindrait Sclessin à Coronmeuse. La perspective pour la Ville de Liège de devenir le lieu d'accueil de l'exposition internationale en 2017 fixe le terme des travaux. Son budget est de 360 millions d'euros.
Après moult soucis de rédaction du cahier des charges dans le cadre de l'attribution du marché public suite aux avis négatifs d'Eurostat, le Gouvernement wallon doit recommencer la procédure d'attribution du marché. Le projet semble sur la bonne voie en 2017 et le permis unique est prolongé. En 2018, un nouveau consortium d'entreprise remporte le marché : Tram'Ardent.
En 2019, Tram'ardent et l'Opérateur de Transports en Wallonie (O.T.W.) signent le contrat.
La ligne Sclessin-Bressoux-Coronmeuse comportera 23 arrêts tout le long du parcours de 11 kilomètres qui passera par la gare TGV et la place Saint-Lambert. La ligne reliera la gare multimodale de Sclessin vers le terminus de Coronmeuse (qui pourra s'étendre par la suite jusqu'à Herstal). Un second terminus-dépôt se situera à Bressoux. Si tout va bien, c'est à partir de 2023 que les Liégeois devraient voir apparaître (à nouveau) le tram dans le paysage urbain et ce … pour un certain temps.
En attendant, découvrez les souvenirs en lien avec le tram conservés dans les collections du Musée de la Vie wallonne : http://collections.viewallonne.be
Julie Degré, collaboratrice aux collections photographiques.
Références :
https://www.musee-transports.be/